dimanche 12 août 2012

Lettre à ma fille


Depuis ta naissance, je suis tenté d'immortaliser le moment par autre chose que des photos, insuffisants clichés statiques colorés. Je préfère y ajouter le piquant des sensations, et de l'atmosphère du moment.
Le 17 Juillet 2012 est une date lovée dans un contexte que je souhaitais te transmettre pour la mémoire. Tu liras ces notes très subjectives et parfois engagées, mais ne m'en veut pas, je les fige telles quelles pour ne pas risquer de prendrre mes distances plus tard et lisser des angles trop aigus.

Commençons par ce qui s'appelle à cette époque « les réseaux sociaux ». Je n'ai annoncé ta naissance sur aucun d'entre eux ni envoyé aucun SMS groupé. J'ai estimé que tu étais mon petit miracle qui mérite mieux que cela. Alors j'ai partagé quelques photos dans le cercle de famille pour tes grands parents sur Google+, encore considéré comme un réseau élitiste, et nous avons envoyé des SMS à quelques amis, loin de la cacophonie d'un Facebook boulimique d'abonnés que beaucoup voient sombrer tout comme ont sombré les desseins spéculateurs d'un Internet , mais les subprimes sont déjà passés par là et le monde n'est plus impressionable.

Linux rapporte des milliards à des petits malins au chapeau rouge qui ont fait d'un mouvement libre, une entreprise aux profits intarissables. Mais l'Open Source reste toujours un combat de l'intelligence contre l'assistanat, malgrés le larmoiement de quelques cerveaux atrophiés et peureux. Le choix implique le changement et certains doutent de leurs capacités à s'adapter, comme si d'avoir survécu durant des dizaines de milliers d'années n'était pas une preuve suffisante pour l'homme de son pouvoir de régénération.

Sur le front de l'Est, une nouvelle occasion a été offerte à une poignée d'intrigants pour embraser une nouvelle fois le moyen orient, la fumée au-dessus de la Palestine, de l'Egypte et de la Lybie se dissipe à peine que certains regrettent déjà l'odeur du napalme le matin et les syriens stratèges invincibles ont découvert trop tard leur talon d'achille : le mal extérieur qui ronge de l'intérieur et qui oppose Sunnites contre Alaouites, ennemis acestraux tapis dans l'ombre se guettant les uns les autres. La fin est ineluctable pour le dernier bastion baassiste et les médias dégoulinants de compassion me font zapper vers d'autres horizons. J'ai banni les journaux télévisés comme vecteur d'information et je papillonne deci, delà pour tromper une main-mise manipulatrice mais heureusement encore suffisament grossière pour que mon esprit n'en soit pas duppe.

L'industrie de France cherche un second souffle après des échecs de stratégies ambitieuses mais tardives. L'état se renouvelle et les vainqueurs sociaux-démagos-comunistes à grands renforts de communication poussive, jouent les sauveurs, hurlants sur la berge des conseils inutiles à des noyés en détresse. A défaut de sauver ils compatissent, honteux eux même des orgies providentielles d'années d'insouciance. « Compassion » est le nouveau mot pour remplacer le génant « Propagande ».

Tu es née l'année d'un hommage planétaire à Marley, le dernier prophète connu, chantre d'une musique lancinante où l'on devine à la fois la souffrance et l'espoir. Je l'ai écoutée en boucle à Oran dans mon guetto universitaire. Je te garderai le DVD pour tes dix huit ans ; tu le regardera en souriant de la qualité de l'image et du son, comme j'ai souri en écoutant les vinyles de papa.
Rock&Folk a publié un hommage à David Bowie et son Stardust hallucinant aux cheveux de feu, Iggy Pop reprend Henri Salvadore, bizarre, et le livre des 50 ans des Rolling Stones est sorti en librairie.

Tu étais dans ton berceau, agée de onze jours lors de la cérémonie d'ouverture des jeux olympiques de Londres. Mohamed Ali et Haile Gebrselassie ont fait le déplacement pour porter le drapeau des jeux ; la cérémonie fut empreinte de rock anglais, les Arctic Monkeys ont repris « Come together » des beatles avant qu'un ex-Beatles, Paul Mc Cartney, ne cloture à cappella avec le fameux « Hey Jude », quanrante ans après Abbey Road. Fantastique ! Ta maman et moi rêvons de t'emmener à un concert rock, peut-être Metallica au Stade de France l'année prochaine, on verra si tes petits tympans seront capables de supporter les solos de Kirk Mammett.

Michel Serres a écrit « Petite poussette », le conte d'un grand père philosophe, narrateur d'histoire d'avenir à une génération de petits virtuoses du pouce. Tu le lira quand tu sera grande et tu me dira si l'oracle avit tord ou raison.

J'oubliais, Rod Johnson a quitté SpringSource, tu ne le connaitras peut-être pas, mais il fut le créateur d'un contre-mouvement qui a décuplé l'ingéniosité des gens à trouver des solutions simples à des problèmes complexes. Dans son mot d'adieux il fait référence à un livre pour enfant « Oh, the Places You'll Go! » que je te lirai un jour. Cette année 2012 est aussi l'année d'Alan Turing, celui grâce à qui ces mots te parviennent.

Bien que cela risque de ne pas signifier grand chose pour toi le jour où tu le liras, sache que ce texte a été écrit avec LibreOffice 3.5 sous Ubuntu 12.04 « Precise Pangolin », sur un ASUS ZenBook 13 pouces, Core i7, 4Go de RAM et 256 Go SSD.
J'ai aussi vérifié certaines références de ce texte sur Wikipedia qui a plus de onze ans d'existance aujourd'hui.

dimanche 29 janvier 2012

Mental Oriented Architecture

Lorsque l’on traverse un désert, le vide qui nous entoure, loin de nous apaiser, met nos sens en ébullition. Dans cet espace de quiétude, nous percevons un pressentiment pesant, imperceptible, croissant au fur et à mesure que les mirages s’estompent et rebroussent notre marche. Cette parabole illustre parfaitement le défaut d’inspiration qui nous ronge au milieu du désert d’annonces réchauffées et insipides, d’où il est vain de tirer une quelconque substance nutritive pour notre esprit.

J’en étais à ce stade de réflexion, lorsque par un enchaînement hasardeux de liens, je suis tombé sur un document étonnant autant qu’émouvant d’Alan Kay, décrivant pour le compte de Xerox en Août 1972, la première ébauche d’un laptop. Un ordinateur portable agréable à manipuler capable, entre autres, de se connecter à une librairie scolaire par le réseau « ARPA » ! Je ne puis m’empêcher de penser que quarante ans plus tard, mon Kindle récupère tout seul en Wifi, un eBook que je viens d’acheter en un clic dans la librairie Amazon!
Ne nous emballons pas, car en même temps, je continue mes exercices de contorsion pour insérer un schéma au milieu d’un paragraphe rédigé sous MS Word. Il semble qu’il y’ai une sorte d’ « étape » que certains systèmes ont du mal à franchir.

Les systèmes informatiques deviennent l’extension de nos cinq sens. Nous en attendons une information et une ergonomie d’utilisation fidèles à notre modèle mental. Ces systèmes excellent à représenter des données puis y superposent des algorithmes pour y accéder, les traiter et nous les présenter. Dans un effort constant d’abstraction, des paradigmes sont nés pour illustrer ces systèmes telles qu’ils sont sensés être dans la réalité : des personnes, des comptes bancaires, des contrats, des agences de voyage, des dérivées d’actions…etc. Nous avons dilué les algorithmes dans ces entités abstraites que nous avons spécialisé à l’infini créant ce qu’on appelle l’Orientation Objet. Une représentation commode pour ceux qui s’en contentent, mais l’utilisateur ne s’en sort toujours pas, ou avec des migraines. Comment cet utilisateur que nous voulons plier aux modèles de nos systèmes, représente t-il son monde ? Quel parcours son esprit effectue t-il intuitivement pour réserver un billet d’avion, virer de l’argent ou acheter sur Internet ? En d’autres termes : à quoi devraient ressembler les applications du domaine public ou celui interne aux entreprises, pour que leurs utilisateurs ne les adoptent pas par dépit ?
Réduire le fossé entre la vision du concepteur et celle de l’utilisateur, tel est l’objectif des futurs paradigmes.

Lors d’une conférence sur l’avenir de la modélisation Objet, James Coplien exhorte ses auditeurs à étendre leurs modèles d’entités pour adopter une approche DCI dans laquelle le logiciel ne devrait plus être conçu comme un ensemble d’entités logiques, mais plutôt comme un ensemble de rôles de composition. Cela bouleverse notre vision des systèmes informatiques qui deviennent non plus des conteneurs de données mais des espaces de services se pliant aux rôles que l’utilisateur aura tout loisir leur attribuer. Cette vision des choses a l'intérêt de moins marginaliser la conception qui se rapproche ainsi de la perception mentale que l'on se fait d'un système, une perception d'utilisateur, tantôt concepteur, tantôt client.

Alan Kay a imaginé le petit Dynabook comme un appareil informatique utile et intuitif qui a donné naissance aux notebooks, netbooks et autres tablettes. Sur les traces d’un autre gourou au nom imprononçable, de nombreux concepteurs se sont engouffrés dans la brèche DCI. Je suis curieux de savoir ce qui naîtra de ce foisonnement d’idées autour de cette nouvelle approche. Moins de migraine pour les utilisateurs, j’espère.

mercredi 16 novembre 2011

Iznogoud

Suggérer, dans le monde du marketing, c'est implanter une idée dans un esprit pour le guider à faire des choix agréables, sans suspecter de manipulation. Nous obtenons un client satisfait et au plaisir contagieux. Le graal du marketing! Comment y arriver?

Un article d'Yseulis Costes, brillante co-fondatrice de 1000mercis.com, professionnelle et spécialiste du marketing, nous détaille à l'occasion de l'anniversaire de l'e-mail, l'histoire de ce canal de communication et de son évolution à travers les âges son omniprésence et ses futures avancées… Déception: une trouvaille vieille de 40 ans que l'on continue à presser faute d'une plus fertile imagination.

Combien d'e-mails envoyez-vous hors contexte professionnels? Vous souvenez-vous de la dernière fois où vous avez ouvert un e-mail publicitaire qui a passé votre filtre anti-spam? L'e-mail, c'est bon pour les dinosaures qui ont certes décidé de jouer les prolongations au boulot, mais seulement au boulot.

J'en étais là de mes réflexions lorsque j'en suis arrivé à penser que mes choix m'ont finalement souvent été "suggérés" par un tiers de confiance, une personne qui n'est pas toujours présente à mes côtés ou joignable et on ne sait d'ailleurs même pas si quelqu'un de notre réseau saurait répondre et même s'il y'en avait, on hésiterait à le déranger. Quelle alternative? Facebouc, touiteur les foromes? Mouais…

Imaginez une sorte de conseiller omniprésent, chuchotant à votre oreille au moment précis où un choix s'impose, en fonction de vos goûts, de votre culture ou de votre humeur: cadeaux, livres, immobilier, placements, vacances… Le google d'avant guerre laisserai place au bon vizir personnel, tout-puissant auprès de qui les annonceurs se bousculeraient pour s'accorder ses faveurs. Je souriais à mes divagations en pensant aux romans d'Assimov, au scénario d'I-Robot ou au célèbre petit personnage enturbanné créé par Goscinny, lorsque je suis tombé quelques jours plus tard sur une révélation du genre qui nous réconforte sur le fait que nos cogitations ne sont pas le résultat d'un délire hallucinogène, mais que nous ne pouvons que nous résigner à regarder, amorphes, la réalisation de nos idées par des gens plus doués que nous. Moche pour le moral!

Cette révélation se nomme "Siri", le nouvel assistant équipant le dernier iPhone 4S. Siri, le bon génie dont l'effet est aussi transcendant que le mégalithe de "2001 l'odyssée de l'espace". Il nous projette hors du pléistocène vers un monde aux multiples possibles. Pour le moment, il est à peine plus intelligent qu'une Barbie parlante, mais l'idée est là et me semble en mesure de balayer toutes les autres: moteurs de recherche, réseaux sociaux et … e-mails marketing.

Je ne suis pas fan d'Apple. Je n'en ai jamais possédé et je ne rêve pas d'en posséder un jour. Pour moi l'informatique se résume à des écrans noirs défilant des traces tcpdump, des lignes de commandes truffées d'expressions régulières et des stack traces d'exceptions CORBA sur des EJB 2.x. Et puis vint Siri, un concept encore embryonaire de conseiller, capable de nous rassurer, nous amuser, nous dénicher des bons plans. Il s'en suivra certainement un débat sur l'effet manipulateur mais peu importe, l'idée est bien là et l'évolution de la technique lui sera prodiguée en priorité.

Revenons à notre article sur l'histoire de l'email. Vous n'en avez plus envie? Moi non plus!

samedi 13 août 2011

Mandelbrot les SI et la Commission Européenne

Cette période que nous vivons est révélatrice du talent des hommes à gérer leurs crises. Un talent génial par son cheminement, médiocre par son résultat. C'est ainsi depuis Neandertal.
Ce talent est celui des meilleurs d'entre nous, que nous avons désigné pour créer des solutions à nos problèmes et en assurer l'application. Leur talent s'est pleinement exprimé à construire par imbrication, juxtaposition, concaténation, fusion... un amalgame de lois, de normes, de règles, de procédures, regroupées en institutions, organisations, associations d'une complexité telle, qu'il n'est pas possible aux autres humains d'en comprendre les rouages, ni même d'en critiquer les résultats.
Un travail d'orfèvres auquel se sont attelés des générations de nantis des plus talentueux d'entre nous, capables de schémas cognitifs qu'ils sont les seuls élus, parmi les élus à pouvoir en décrypter le cheminement. Chaque voie aboutissant à une chambre à plusieurs issues, chacune débouchant sur un dédale de couloirs se terminant par des alcôves révélant d'autres ouvertures, puis des labyrinthes, puis des anti-chambres, puis des trappes, des escaliers, c'est sombre, une lumière au bout, c'est peut-être la sortie, non, une autre chambre éclairée et parsemée de hiéroglyphes, donnant sur de multiples issues identiques vers d'autres couloirs sans fin, au bout de l'un d'eux une voie audible, nous la suivons, un personnage habillé d'un costume étrange imprimé de symboles abstraits, débitant un discours tout en métaphores, complexe, intelligent, mais notre problème est simple : sortir ! Nous passons notre chemin, la voix s'éteint au loin et devant nous un abîme de labyrinthes ... Des années de génie administratif, politique, économique, grassement nourri par des contingents de serviteurs dévoués et consentants.
Souvent, lors de mes pérégrinations professionnelles, lorsque je suis confronté à la complexité absconse et procédurale d'une entreprise, maintenue par les dogmatiques gardiens du temple SI, je pense à la commission européenne, à l'ONU ou au FMI, ces regroupements de talents pensant et façonnant la complexité comme personne d'autre. Je trouve que ces constructions relèvent d'un même modèle, comme si une seule fonction mathématique donnait des résultats structurellement identiques, suivant un ou plusieurs facteurs de dimension : Un SI, l'ONU, le FMI, l'AFSSAPS … Avec une infinité de ramification dès qu'on y regarderait de plus près.
Benoît Mandelbrot, en étudiant les objets à complexité récursive a révélé au monde les fractales, des constructions mathématiques s'étendant à l'infini, des objets qu'il désigne d' « auto-similaires ».








Je suis convaincu que les esprits de ces talentueux constructeurs de labyrinthes ainsi que leurs œuvres alambiquées, découlent de la même formule pour aboutir aux mêmes résultats: un dédale infini, notre perte!

dimanche 22 mai 2011

Brillants cancres

La semaine dernière, une nouvelle a particulièrement réveillé les vieux démons faiseurs de bulles : l'entrée en bourse de LinkedIn. Une société faisant 3 millions de dollars de résultat, valorisé à 9 milliards de dollars. Comment peut-on valoir 3000 fois ce que l'on rapporte ?!
Je suis comme tout le monde, nostalgique de cette époque éphémère où un projet d'intranet en CGI-Perl était facturé à 1 million de francs, où les consultants menaient grand train tous frais payés. Une époque où les négociations commerciales se résumaient à... une signature de contrat. Les clients payaient sans sourciller car ils écoutaient tous, les cabinets de conseils qui les hypnotisaient à coups de carrés magiques pour leur vanter les futurs miracles de ce que l'on appelait : les nouvelles technologies. Une période bénie !
Comment expliquer cet engouement démesuré pour un domaine amplement surestimé ? Comment des sociétés de bricoleurs informatiques du dimanche ont-elles pu être revendues à temps pour une fortune, puis valoir leur vraie valeur, c'est-à-dire rien, quelques mois plus tard ?
Ces brillants cancres ont compris que vendre honnêtement une très bonne qualité de haut niveau mais incompréhensible n'était pas rémunérateur. La fortune se trouve ailleurs et ceux qui la saisissent sont avant tout des faiseurs de rêves !
L'informatique d'avant bulle était une machine à rêves ou l'Internet promettait une vie nouvelle dans le nouveau cosmos virtuel de la toile. Tout le monde voulait son shoot intersidéral et entrait ainsi dans le club hype de ceux qui se distinguent de la masse. On se projetait dans les yachts des nouveaux patrons de startups, en se répétant que le rêve acheté était déjà un billet d'entrée dans cette réalité rêvée.
Le rêve, l'exaltation, le nouveau monde, une expérience unique... Ce qui permet de vendre au prix le plus fort est la capacité à téléporter un client dans une réalité parallèle, accessible pour seulement une poignée d'initiés, bien heureux d'en profiter avant la curée.
Cela ressemble trait pour trait à ce que nous vivons aujourd'hui : Le Cloud, les réseaux sociaux et les applications mobiles, des promesses de gains substantiels et de vie meilleure... à condition d'être le premier !
La suite nous la connaissons : promesses trop lentes à se réaliser, patience épuisée, peur panique, ventes massives, ventes à perte, effondrement des valeurs boursières, suicides, chômeurs, leçons puis longue disette.
Revenons à nos killer-apps : LinkedIn, facebook et twitter. J'aurais bien voulu faire partie de leurs investisseurs de première heure, alors, j'essaye tant bien que mal de me rattraper en investissant à tour de bras sur tout ce qui porte leurs traits de caractères : simple, creux, hype, social et bleuté.
Alors un conseil : si vous êtes un ancien cancre rêvant de prendre sa revanche, précipitez-vous, créez un site web en flash, bleuté de préférence, transférez-y la liste de vos contacts facebook, créez le buzz sur youtube et twitter puis faîtes vous inviter par BFM. La suite nous la connaissons...

mercredi 13 avril 2011

Avenir dans les nuages ou avenir nuageux ?

La semaine dernière ont eu lieu les grandes joutes des dieux du Cloud : Marc Bennioff et Larry Ellison se sont affrontés à Paris à deux jours d'intervalle dans un pugillat verbal des plus acérés.


Ce qu'il fallait retenir tient en quelques points :
  • Le Cloud c'est l'avenir !
  • Le Cloud ce n'est pas de la virtualisation !
  • Le Cloud est mort, vive le Cloud2 !
  • Quest-ce que le Cloud2 ?! Réponse : L'extension du Cloud aux réseaux sociaux !
  • Pourquoi autant de « ! ». Réponse : Parce que !!!
Le logiciel comme un service plutôt que comme un produit. Sans sarcasme, en voilà une idée qu'elle est bonne !
Jusqu'à présent, un fournisseur de service tel un opérateur de télécommunication ou un fournisseur d'électricité, mettait à disposition des usagers, un service consommable imédiatement et facturable à l'usage ou au forfait. Peut-on placer le logiciel dans cette catégorie d'usage ?
Pour ceux que la programmation a amené vers l'informatique (et non l'inverse), la règle n°5 de Rob Pike, stipule que les données prévalent sur le logiciel. Cette maxime a été adoptée depuis quelques décénnies pour construire des logiciels sous forme de données structurées et d'un habillage fonctionnel.
Celui qui détient le logiciel, détiendrait les données. On préfère donc être propriétaire de son logiciel puisque l'on veut rarement partager ces données : commerciales, stratégiques, financières ou personnelles.
Le Cloud, qui n'est autre qu'un socle mutualisé hébergeant des logiciels à usage d'utilisateurs, deviendrait implicitement un coffre-fort pour leurs données. Est-ce que cela a de l'avenir et pour quel genre d'usage?
Toute institution bien établie, garante des données de ces clients (banque, assureur...), ne peut déléguer cette garantie à une institution tierce. Le risque d'une défaillance existe dans les deux cas, mais la délégation diluant les responsabilités, des sanctions seraient compliquées à appliquer. Le trouble social qui s'en suivra impliquera l'intervention des états qui ne peuvent se permettre une telle situation car... too big to fail !
Il reste tous les autres usages, non soumis à une obligation légale : TPI, PMI/PME et autres services publiques peu critiques. Pour ceux là, pas d'interventionnisme car... too small to be relevant !
Ce genre de service intéresse donc les petites structures, disposant de peu de moyens d'investissement et acceptant de fait, le risque que représente un tel modèle logiciel. Nous savons depuis peu que ces utilisateurs sont presque aussi nombreux en volume de marché que les grandes institutions du CAC40 ou du Fortune 500.
Ce modèle économique devenu populaire depuis 2004, a bouleversé notre perception du marché. Cette longue traine statistique intéresse tous les exclus du modèle fermé traditionnel.
Marc Bennioff a concrétisé son idée en 1999, cinq ans avant le fameux article de Chris Anderson. Le génie, c'est donc cela : créer l'usage qui fera naître le modèle !

dimanche 13 mars 2011

Condom Architect

J'ai eu ces derniers jours à réfléchir sur le métier d'architecte. L'éternel incompris de l'informatique, à cheval entre le savant-cosinus et le super-admin. Un rôle indéfinissable et nécessaire, mais nécessaire à quoi?!
En tout cas on entendra fatalement à un moment donné d'un projet, ce cri "munchien" de désespoir: De grâce, un architecte!!! Un cri qui arrive généralement lorsque le projet amorce la pente douce progressivement raide vers le gouffre de sa fin déshonorrante.

Quelques questions pour commencer :
Est-ce qu’un bon spécialiste peut faire un bon architecte ?
Un bon spécialiste dans une équipe d’architecte ne risque t-il pas de devenir… un bon spécialiste dans une équipe d’architecte ?

Cela m'amène à me poser la question : Qu’est ce qu’un architecte ? (ou qu’est-ce qu’il n’est pas ?)
Sans être aussi caricatural que Martin Fowler dans sa description du "Matrix Reloaded Architect", voici ce que pourrait être une charte d'architecte:
  • Ne pas écrire de scripts, de code Java ou C/C++, ou résister à l'envie de le faire. Se placer plutôt comme mentor en donnant des normes et des bonnes pratiques et rappeler que le développement est un art. Ce qui suppose d’être bien au dessus des compétences classiques d’un développeur. De temps en temps, mettre les mains dans de cambouï, écrire des portions de code pour accélérer les choses et pour rester crédible (et aussi pour ne pas s'ennuyer!).
  • Ne pas exécuter de commandes d’administration ou résister à l'envie de le faire. Donner plutôt un support de (très) haut niveau pour administrer ou analyser un élément du SI : OS, Middleware, logiciel… Pousser les intégrateurs et les administrateurs à être autonômes et à rechercher d'eux même en leur dévoilant quelques astuces méconnues dans leur spécialité.
  • Ne pas remplacer le chef de projet mais l’assister à mener à terme son projet, sans le « vampiriser », en ramenant sans cesse le débat sur les éléments clés du projet : objectif métier, délai, budget, intégration au SI et performances contractuelles. Considérer les projets comme des étapes plutôt que des aboutissements.
  • Partager, communiquer, évangéliser sur les projets et aussi sur les concepts inhérents au SI, en simplifiant les choses le plus possible, cela évite le rejet et permet l’adhésion des parties prenantes. On adhère à un projet quand on comprend ses dimensions techniques et métier.
D'où la définition suivante:
Un architecte technique est un consultant interne, un référent technique multi-spécialiste (expertise), capable d’expliquer sans donner de leçons (communication, pédagogie et modestie), d’accélérer une réalisation sans se l’approprier (délégation). Il doit planifier, fédérer puis clôturer (gestion).
C’est l’électron libre qui maintien le système en mouvement.

Pour terminer sur un peu de légèreté, j'ai lu récemment une BD satirique dans laquelle un architecte était comparé à un... préservatif! On s'en passerait bien vu sa capacité à enlever tout plasir. Mais quand les choses vont mal, on commence vraiment à regretter de ne pas avoir eu le bon sens de l'utiliser :-)

mardi 1 février 2011

Culture de café ou culture d'entreprise?

Dans une récente analyse publiée pour Forester, Mike Gualtieri pose une question polémique: Est-ce que Java est une impasse pour les applications d’entreprises?
Une avalanche de commentaires passionnés s'en est suivie sur la toile. Il est vrai que les annonces de Mike ont de quoi titiller les égos: adopté par plus de 70% des grandes entreprises, près de 60 JSR, courbe d'apprentissage croissante, multiplications de frameworks palliatifs et enfin : 68% de projets inaboutis.
L'étude soutient que l'une des causes d'inadéquation de Java pour construire des applications d'entreprises est sa tentative de couvrir tout le spectre des sept qualités d'un logiciel: expérience, disponibilité, performance, échelonnage, adaptabilité, sécurité et économie.
Vouloir atteindre la perfection est certes une preuve d'ambition mais cela montre surtout un manque de pragmatisme, car de toutes ces qualités seulement deux se détachent aujourd'hui comme des tendances: l'expérience utilisateur et l'adaptabilité.
Un logiciel ennuyeux pour les utilisateurs est un échec et si l'on ne peut pas le modifier dans des délais et des coûts raisonnables, alors il disparaîtra. Il se trouve que Java n’a pas été inventé par des spécialistes des applications d’entreprise, d’où la faillite des premières versions d’EJB. Il n’a aussi jamais été pensé pour le confort de l’utilisateur final, d’où l’échec d’AWT puis de Swing et enfin de JSF. Java s'est embourbé dans des modèles inutilement complexes, des architectures "bitte schön, danke schön", comme les décrit Christophe Thiry, de manière hilarante dans son blog.
L’étude met en avant les nouveaux paradigmes de développement. L’avenir, pressenti depuis longtemps mais concrétisé depuis peu, appartient à ceux qui réduiront les délais, les coûts et la distance avec le cœur de métier de l’entreprise. Des architectures événementielles représentent cette nouvelle tendance où différents outils sont employés à différentes phases d’un modèle métier (et non plus d’un programme): conception, implémentation et action. Ces paradigmes offrent beaucoup plus qu'une évolution, ils promettent d'humaniser l'informatique.
Le principal argument mis en avant par les entreprises, pour justifier la continuité de la stratégie Java est… historique : J’ai investit dans Java, j’ai plusieurs applications en production, je suis obligé de supporter ma croix et pour longtemps encore…Cela ne vous rappelle-t-il pas un autre langage. Eh oui, Cobol, toujours là et pour longtemps encore ! De là à dire que Java subira le même sort, il n’y a qu’un pas. Je trouve cependant cette étude rassurante : il y’aura toujours du boulot pour les développeurs Java. Dieu merci !

jeudi 13 janvier 2011

Eloge de la lenteur

Un article étonnant de Philosophie Magazine chamboule notre rapport au temps et remet en question la paternité de l'horloge.
Tout le monde s'accorde à dire que l'horloge mécanique a été inventée en Europe au XIIIème siècle. Pourtant les chinois disposaient dès le premier millénaire, d'un système de clepsydre très sophistiqué, utilisé principalement dans l'étude du mouvement des astres, savoir nécessaire pour établir les prévisions astrologiques dont l'empereur se servira pour exercer son pouvoir. Le temps selon les chinois est donc un luxe réservé aux décisions de l'empereur. Le peuple quant à lui ne peut disposer de ce privilège. Alors dirons nous, comment prévoir le temps ou comment définir un délai et le respecter? Eh bien sur ce sujet, deux cultures s'opposent: dans l'occident, le temps sert à borner une réalisation par un début et une fin. Dans la civilisation chinoise, le temps importe peu pour une réalisation, seule la perfection compte!
Imaginons ce que serait nos projets dans un monde régit par la perfection et non pas par la "deadline". Nous n'aurions certainement pas des smartphones, mais nous aurions des moyens de communication qui répondent parfaitement à nos besoins sans bugs et sans stress pour les SAV.
Pensez à un travail que vous avez réalisé en prenant votre temps. Imaginez à quoi il aurait pu ressembler si on vous avait imposé de le livrer pour telle-date-au-plus-tard!
Le pouvoir dans la culture occidentale se mesure par la capacité à faire respecter les délais, quelle humiliation que de ne pas livrer en temps et en heure. On préfèrerait produire une immondice et y adjoindre une série de correctifs plutôt que de prendre le temps de tester et de peaufiner. J'ai déjà vu des chefs de projets à la limite de la dépression parce que leur projet risque de prendre du retard. J'ai souvent proposé de prendre le temps de produire quelque chose de correcte plutôt que de se précipiter et de perdre toute crédibilité vis-à-vis des utilisateurs. Eh bien non, rien n'y fait. La seule chose qui restera du projet ce n'est pas l'aventure humaine et technologique, la réalisation innovante ou la satisfaction des clients. Non, tout ce qui sera retenu ce sera le RETARD!
Dans la bande dessinée "Le petit Nicolas" de Sempé et Goscinny, Geoffroy est un garçon décrit comme lunatique et toujours en retard. D'ailleurs la maîtresse ne l'a jamais félicité à cause de son retard, sauf une fois: il venait d'avoir un p'tit frère.
Un long conditionnement qui a débuté sur nos bancs d'école et qui ressort et guide nos comportement d'hommes actifs. Maintenant que la cause est identifiée, levez vous du canapé et reprenez le dessus sur vos vieux démons scolaires!

mardi 4 janvier 2011

Bonne année 2011 !

Une nouvelle année est une nouvelle itération dans notre histoire personnelle, un "sprint" de plus dans la réalisation de la fameuse oeuvre, dont on pourra savourer la ligne parfaite, épurée, aboutie... avant de recommencer de plus belle et en mieux. Nous sommes insatiables! En tout cas j'espère pour vous que vous l'êtes, autrement la vie serait insipide!
J’ai récemment découvert le blog d’Olivier Roland, un autodidacte éclairé doué d’un enthousiasme à toute épreuve. Il s’est fixé comme défi de lire 52 livres en 52 semaines ! Cette boulimie de savoir s’explique : combien de fois avez-vous changé d’avis sur un sujet après avoir lu quelque part un court article, découvert par hasard, ou après avoir écouté un débat télévisé. Vous êtes par la suite étonné d’une telle découverte qui a changé quelque chose en vous et vous vous jurez de revenir sur le site ou le blog en question, promesse évidemment non tenue. Combien d’occasions similaires avons-nous raté ? Vous vous résigner et vous vous dites que vous n’avez pas le dont d’ubiquité.
Un conseil : persévérez, lisez le plus possible ! Mais pas n’importe quoi. Olivier Rolland énumère quelques perles documentaires inconnues, pourtant étonnement célèbres, au vu des évaluations Amazon.
Dans le même ordre d’idées, un autre adepte de self-made-man, Josh Kaufman, présente la méthode Personal MBA pour atteindre soit-même un niveau équivalent à celui de MBA, en lisant de manière ciblée un panel de livres sur tous les domaines: économie, organisation, développement personnel, management... etc. Essayez, c'est passionnant et c'est mieux votre compte bancaire!
Donc pour cette nouvelle année, lisez! Autant que vous pouvez ! Pour sortir du nuage de flou dans lequel nous plongent tous les jours, les masses d'informations incertaines. Lisez, vous serez imbuvable quelques temps avec votre science infuse; juste le temps de digérer puis de réorganiser et enfin de piocher, non sans y avoir ajouté une pointe d'humour, dans la mine de savoir dont vous disposerez. Vous serez enfin quelqu'un qu'il sera bon de connaître.
Bonne année encore et n'oubliez pas de faire un geste pour Wikipedia et de relayer le message!